1 – On prend toute notre profession à contresens
Préparer, accompagner et suivre les naissances, c’est un métier exigeant, passionnant, à la frontière entre le naturel et le médical. Seules les sages-femmes sont en mesure d’aider les femmes enceintes à établir des relations précoces mère-enfant. Seules les sages-femmes sont en mesure de concilier le respect de la sécurité des femmes enceintes (et de celui ou celle qui va naitre) avec une aspiration de plus en plus générale à faire de la naissance un évènement naturel. La pratique de l’IVG est incompatible avec ces spécificités.
2 – On risque d’altérer la valeur de notre métier
Prendre soin de la vie de la femme enceinte et de celui ou celle qui va naître, c’est ce qui rend notre profession unique. En nous faisant supporter la question ultra-sensible de l’avortement médicamenteux (la moitié des IVG actuels) c’est tout l’équilibre de notre profession qu’on prend le risque de bouleverser. Alors que nous manquons de professionnelles pour répondre au défi de notre démographie, la réforme verrait nombre d’entre nous réaliser très vite plus d’IVG que de naissances, ce qui n’a rien d’anodin. Très vite les filières de recrutement de notre profession seraient sinistrées.
3 – On manipule nos aspirations professionnelles
Ceux qui ont élaboré ce projet avancent que les sages-femmes y seraient favorables, parce qu’elles veulent « prescrire » comme les médecins. C’est faux. On utilise le désir légitime des sages-femmes (« profession médicale ») d’être vraiment reconnues pour leurs compétences à la fois relationnelle et techniques. Mais ce n’est pas en prescrivant le RU486 qu’elles vont renforcer la reconnaissance de leur métier. Au contraire, nous savons bien qu’on tente de faire « récupérer » par notre profession les tâches jugées par les médecins ingrates et non-valorisantes.
4 – On joue avec la santé publique et avec notre sécurité juridique
Il est désormais reconnu par les autorités sanitaires que la prescription du RU486 n’a rien d’anodin, sur le plan de la santé de la femme qui doit être médicalement surveillée. Les conséquences, physiologiques et psychologiques de l’IVG médicamenteuse sont plus lourdes qu’on ne le disait. Le rapport de Madame Polleti le souligne : «L’IVG médicamenteuse peut ne pas convenir à toutes, aux femmes les plus fragiles ou les plus isolées notamment. Si le développement de cette méthode a permis un accès plus facile à l’avortement favorisant ainsi la réduction des délais de prise en charge et si le suivi médical est organisé en liaison avec un établissement de santé, l’accompagnement apporté à la femme est forcément moindre qu’au cours d’une hospitalisation, même de courte durée. Or, la prise des comprimés peut entraîner des douleurs importantes ou soulever des fortes inquiétudes.» On ne peut être plus clair. Or, nous avons des compétences clairement distinctes de celles des médecins. Chacun son rôle. Ce n’est pas sur leur « terrain » que nous pouvons prétendre développer notre spécificité. Sinon, nous serons vite jugées responsables lors des accidents qui ne manqueront pas de survenir.